Reconnaître un attachement insécure
Comment vivez-vous vos relations amoureuses aujourd’hui ? Vous sentez-vous en confiance avec votre compagnon ou anxieux ? De quoi avez-vous peur dans vos relations ? De ne plus être aimé ? D’être rejeté ? Abandonné ?
D’où viennent pour certains la confiance et pour d’autres les peurs ?
Comment nous construisons-nous une personnalité sécure ou insécure ?
L’origine de l’attachement insécure
Pour la plupart des psychanalystes, les origines de la peur seraient liées au processus d’attachement et de séparation, donc aux premiers liens affectifs.
Ces liens affectifs se créent déjà dans le ventre de notre mère à travers une communication émotionnelle et affective. Elle est déterminante pour le bon développement de la vie psychique de l’enfant.
Nombreux sont ces auteurs qui ont étudié la psychologie du développement de l’enfant et qui ont créé leur propre grille de lecture.
Pour écrire cet article, j’ai choisi de reprendre les travaux de J.Bowlby sur la théorie de l’attachement et de M. Ainsworth sur les différents styles d’attachement sur lesquels nous nous sommes construits.
Le terme de « Figure d’attachement » sera souvent utilisé alors voici pour commencer une définition :
Selon A. Guedeney et N. Guedeney (2002), « une figure d’attachement est une figure vers laquelle l’enfant dirigera son comportement d’attachement. Sera susceptible de devenir une figure d’attachement toute personne qui s’engage dans une interaction sociale animée avec le bébé et durable, et qui répondra facilement à ses signaux et à ses approches ».
L’enfant a un besoin essentiel d’établir un lien stable et sécurisant avec une figure d’attachement. Il la choisit en fonction des réponses empathiques apportées à ses besoins. Ce rôle est donc habituellement tenu par la mère mais il peut être également occupé par le père, une tante, un oncle, ou toute autre personne significative pour l’enfant et répondant à ses besoins.
Qu’est-ce que l’attachement ?
L’attachement est un lien affectif et social développé par une personne envers une autre.
Pour Bowlby c’est « un équilibre entre les comportements d’attachement envers les figures parentales et les comportements d’exploration du milieu.» (Bowlby J., Attachement et perte, Paris, PUF, 1978). Ce lien d’attachement précoce repose à la fois sur des fondements biologiques, (besoins primaires, innés, essentiels à la survie de l’individu) et à la fois sur un système motivationnel comparable à la satisfaction des besoins primaires, mais indépendant de ceux-ci.
Ne vous arrêtez pas à cette définition, vous comprendrez mieux en lisant la suite…
La théorie de l’attachement
Selon Bowlby, l’attachement à la figure maternelle servirait de base de sécurité interne pour que l’enfant puisse explorer son environnement.
Et toujours d’après Bowlby, ce lien d’attachement, une fois intériorisé, servirait par la suite, de modèle à toutes les relations intimes et sociales du sujet.
Ainsi, la théorie de l’attachement peut être considérée comme une véritable théorie de la relation où l’intériorisation du lien d’attachement primaire représente un modèle à toutes les relations de l’individu.
Les comportements et les différentes étapes du développement de l’attachement
L’attachement se développe à partir de comportements innés tels que les pleurs, et les sourires qui témoignent d’un comportement d’appel, la succion, l’agrippement sont des comportements de proximité.
Au cours de son développement, l’enfant va multiplier ses comportements d’attachement, exemples : tendre les bras, le langage ou tous les comportements liés au développement psychomoteur.
Les fonctions de cet attachement
Ces comportements d’attachement ont pour fonction : de maintenir la proximité, et d’activer le système motivationnel de caregiving du parent (manière de prendre soin du petit); la protection, le réconfort, et la consolation quand l’enfant perçoit des menaces extérieures ou internes.
Ces comportements ont pour but d’informer la figure d’attachement de l’intérêt de son enfant pour l’interaction et donc de favoriser l’attachement réciproque de la figure d’attachement à l’enfant. Ce n’est pas tant le comportement lui-même qui est important mais la manière dont il est fait et sa finalité. Si l’objectif est de créer la proximité, alors ce comportement fonctionne comme un comportement d’attachement. En ce sens, la violence peut être comprise comme un comportement d’attachement dans le sens où l’enfant a appris à l’utiliser pour avoir de l’interaction.
Le système d’attachement permet de répondre au besoin de sécurité.
Si les réponses de l’entourage sont adéquates et ainsi répondent au besoin d’attachement de l’enfant, celui-ci développera alors une base de sécurité et une image de lui-même positive.
Ce n’est que lorsque les besoins d’attachements de l’enfant seront satisfaits qu’il pourra s’éloigner en toute sécurité de sa figure d’attachement pour explorer le monde qui l’entoure. On parle d’attachement sécure.
Si les réponses de l’entourage ne sont pas adéquates et ne répondent pas aux besoins d’attachement, la base de sécurité de l’enfant, l’image de lui-même, sa confiance en lui et en l’autre ne seront pas satisfaisantes, et il développera un certain style d’attachement. (Il en existe 4, ils seront décrits plus bas.)
La notion de base de sécurité
Guedeney et Guedeney (2002) soulignent que c’est « la confiance en l’idée qu’une figure de soutien, protectrice, sera accessible et disponible, et ceci quel que soit l’âge de l’individu en cas de besoin» qui permettra au sujet de se sentir en sécurité.
La notion de base de sécurité , développée par M. Ainsworth (1967), semble participer au bon développement de l’enfant lorsqu’il se sent en sécurité et qu’il sait qu’il peut compter sur une figure d’attachement en cas de détresse. La proximité puis plus généralement la confiance en la disponibilité de la figure d’attachement vont permettre à l’enfant de se sentir en sécurité et donc de diminuer l’activation de son système d’attachement. L’attachement est décrit ici, comme un système de comportements activés lorsque l’enfant se sent en danger et que la figure d’attachement est éloignée – ses signaux ayant pour but de faire revenir la figure d’attachement. Une fois l’enfant sécurisé, le système d’attachement n’est plus activé et le système d’exploration prend le relais.
C’est donc à partir de cette base de sécurité, de cette confiance en l’idée qu’il peut à tout moment compter sur sa figure d’attachement en cas de détresse, que l’enfant pourra explorer le monde environnant et ainsi développer ses capacités de façon optimale.
sécurité = confiance = autonomie
Autre notion importante dans le développement de l’enfant c’est celle de l’individuation.
La notion d’individuation/séparation
Chez tout enfant se passe le processus d’individuation et de séparation psychique qui permet le développement du sentiment de conscience de soi, le sentiment d’exister comme être individualisé.
Ce concept permet de distinguer nettement la naissance biologique et la naissance psychologique.
Pour M.Mahler, le terme de « séparation » renvoie à la prise de distance et le détachement d’avec la mère, et celui d’ « individuation » concerne l’évolution des fonctions autonomes. Ce processus apparaît progressivement et évolue en fonction des nouvelles compétences qu’acquiert l’enfant.
L’évolution du processus d’individuation est bien sûr lié aux réponses de l’entourage, et à la qualité de l’attachement mise en place.
Autant dire qu’il est indispensable « de bien s’attacher » pour devenir capable « de bien se détacher », ce qui est la voie normale de l’individuation. Rachel Ferrere
Différences entre attachement sécure et attachement insécure
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Ce qui est important de noter ici c’est que cette base de sécurité va jouer un rôle prépondérant dans le développement de la personnalité de l’enfant.
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La notion de personnalité
La personnalité est définie comme le résultat, chez un sujet donné, de l’intégration dynamique de composantes cognitives, pulsionnelles et émotionnelles. L’agencement de ces différents facteurs constitue les traits de personnalité, à savoir les modalités relationnelles de la personne, sa façon de percevoir le monde et de se penser dans son environnement.
L’unité fonctionnelle intégrative que constitue la personnalité présente deux autres caractéristiques : elle est à la fois stable (la personnalité contribue à la permanence de l’individu) et unique (elle rend le sujet reconnaissable, distinct de tous les autres).
Développement d’une personnalité normale ou pathologique liée à l’attachement
Selon les observations empiriques de M.Ainsworth (1978), repris par son élève M.Main, 4 types principaux de réactions chez l’enfant ont été mis en évidence et mettent en lumière la sécurité relationnelle établie entre l’enfant et sa figure d’attachement.
L’attachement sécure
→ La figure d’attachement est réceptive, sensible aux besoins de son enfant
→ Ce lien sécure permet à l’enfant d’explorer son environnement
→ En cas d’alerte, l’enfant sécure va manifester de la détresse, chercher le réconfort de sa figure d’attachement, se calmer facilement et est capable de reprendre des activités exploratoires une fois rassuré.
→ Il y a donc un équilibre entre la recherche de réconfort et l’exploration.
→ Ayant acquis une sécurité interne, l’enfant sécure sera autonome.
→ Selon Waters et Cumming (2000), ce style d’attachement traduit une plus grande capacité d’autorégulation émotionnelle chez l’enfant, ainsi qu’une bonne exploration de l’environnement et une aisance sociale. Ce style d’attachement favorise le développement d’un sentiment de sécurité dans les relations amoureuses futures.
→ D’après Tarabulsy (2000), cette sécurité affective, principalement développée au plus jeune âge, se maintient généralement à l’âge adulte et concerne environ 52 % de la population générale.
L’attachement insécure évitant
→ La figure d’attachement insécure évitant apparaît comme détachée et peu disponible pour répondre aux besoins de son enfant dans les premières interactions.
→ Ce peut être les mères qui ressentent et manifestent une aversion pour le contact physique, ce que Ainsworth appelle le syndrome de rejet.
→ L’enfant ne semble pas pouvoir développer une base de sécurité en relation avec la figure d’attachement.
→ Au moment des séparations, l’enfant insécure évitant ne se tourne pas vers sa figure d’attachement et essaie de dissimuler sa détresse émotionnelle par un détachement et un accrochage à l’environnement physique.
→ Au retour de la figure d’attachement, l’enfant évite le contact, montre un comportement indifférent
→ Les observations ont montré des enfants pleurnichards, qui avaient tendance à paniquer lors de la séparation avec leur figure d’attachement et qui, à son retour la rejetaient avec rage sans montrer aucun signe de soulagement.
→ Ces enfants insécures montrent le plus d’émotions et d’anxiété.
→ Afin de mieux gérer cette situation ces enfants se désactivent de leur système d’attachement, ils se détachent, manifestent peu d’émotions, se tournent davantage vers l’exploration et se voit contrains d’adopter une autonomie précoce comme stratégie de survie.
→ Chez l’adulte ce type d’attachement se manifeste par un style d’attachement détaché. L’individu n’est pas à l’aise dans une relation intime et devient anxieux lors de situations de rapprochement.
→ Selon Hazan et Shaver (1987) le sujet détaché perçoit la relation avec autrui comme une proximité menaçante, car elle risque d’éveiller la peur archaïque d’être rejeté par la personne significative. Ces individus ont une confiance en eux mais pas en les autres, ce qui les fait réagir par une certaine distance et un évitement dans les relations intimes.
→ Tarabulsy (2000) affirme qu’il existe 17% d’adultes de la population générale qui relèveraient de ce type d’attachement.
L’attachement insécure ambivalent
→ La figure d’attachement insécure est ambivalente. Ses réactions sont imprévisibles et incohérentes, c’est-à-dire qu’elle peut aussi bien se montrer réceptive que ignorante aux besoins de son enfant.
Les réponses de la figure d’attachement alternent entre la disponibilité et le rejet.
→ Au moment des séparations l’enfant insécure ambivalent va protester, montrer sa détresse mais ne peut être rassuré
→ Au retour de sa figure d’attachement il n’est pas davantage soulagé et va montrer une attitude ambivalente, rechercher le contact et montrer de la résistance.
→ Cette incapacité à se remettre de leur angoisse de séparation et à utiliser leur figure d’attachement comme base de sécurité atteste d’une hyperactivation du système d’attachement, ce qui rend difficile le contrôle émotionnel, la possibilité d’explorer son environnement et de gagner en autonomie
→ Chez l’adulte ce type d’attachement insécure se manifeste par un style d’attachement préoccupé. L’individu recherche constamment un contact avec le partenaire amoureux, une réactivité émotionnelle intense.
→ Faible niveau d’autonomie marqué par la peur d’être abandonné.
→ Ces individus ont une faible confiance en soi et démontrent une forte dépendance vis-à-vis d’autrui pour juger leur propre estime.
→ Selon Feeney et Noller (1990), ces personnes ont tendance à idéaliser leur partenaire et à sous-estimer leurs potentialités personnelles.
→ Tarabulsy (2000) affirme l’existence de 11% de ce type d’attachement insécure dans la population générale.
L’attachement désorganisé
Ce dernier type d’attachement a été découvert bien plus tard et il reste encore beaucoup à découvrir.
→ Les enfants ne réagissent pas de manière caractéristique et prévisible à une situation étrange.
→ L’enfant montre des attitudes contradictoires, inconsistantes et souvent déroutantes.
Exemple : ils peuvent s’agripper à la figure d’attachement tout en détournant le regard ou pleurer à son départ sans vouloir s’en rapprocher.
→ Ces comportements semblent incompréhensibles et témoignent d’un défaut de construction de stratégie d’attachement cohérente.
→ Selon Cassidy et Shaver (1999), ce type d’attachement se retrouve fréquemment chez des sujets ayant été victime de maltraitance ou de violence de la part des figures d’attachement.
→ Chez l’adulte ayant ce type d’attachement appelé désorganisé ou désorienté présente des attitudes contradictoires ou incompréhensibles.
→ Selon Tarabulsy (2000), 20 % de la population générale présenterait ce type d’attachement.
Dans les types d’attachements insécure évitant et insécure ambivalent l’enfant apprend à mettre en place des stratégies secondaires face à l’inefficience des stratégies primaires pour s’adapter à sa figure d’attachement.
En revanche, dans le type d’attachement désorganisé, l’enfant n’a pas de stratégie « organisée ».
Comme nous avons pu le voir les types d’attachements insécures peuvent causer certains dommages, tant sur le plan social que cognitif.
Ce qu’il faut comprendre c’est qu’en fonction de ces liens d’attachements, de ces interactions avec notre figure d’attachement nous avons développé des modèles pour interpréter et comprendre notre monde. C’est ce qu’on appelle les filtres.
Cette notion est tellement importante pour moi, que je consacrerai un, voire plusieurs articles à ce sujet.
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